Vous vous trompez : ce sont des mauvais fayots que vous désignez. Ceux qui s’extasient devant la moindre saillie du boss ou passent leur temps à le complimenter de manière outrancière. Non, non. Le bon fayot - comme tous les gens vraiment dangereux - est indétectable. Parce qu’il est à la fois aimé des supérieurs hiérarchiques ET populaire auprès de ses collègues. A celui-là tout réussi : il travaille moins que la moyenne (sinon pourquoi se casser la nénette ?), obtient plus souvent du galon et passe au travers de tous les plans sociaux. Bref, fayoter est une excellente méthode pour s’épanouir humainement et professionnellement !
Choquant ? Cet enseignement est pourtant dispensé par un manuel drôlatique au titre éloquent "Comment devenir un parfait fayot au bureau". Son auteur, Benjamin Fabre (c’est un pseudo) a 34 ans et un passé sur le terrain qui crédibilise d’office ses propos : cet ancien de l’Essec a en effet usé ses guêtres dans un grand groupe bancaire avant de devenir consultant stratégie en entreprise. "J’ai eu souvent l’occasion d’observer des gens qui passaient la moitié de leur temps non pas à bosser, mais à faire de la politique. Et pour eux, les choses marchaient comme sur des roulettes."
Aimables engeances
Combien en avons-nous croisé, de ces aimables engeances, qui savent se montrer délicieuses aux moments opportuns, alors que nous savons qu'ils dégoulinent d'abord d'ambition ? Combien de fois avons-nous, nous-mêmes, usé de la brosse à reluire pour conquérir des cœurs, à la fois surpris de l’efficacité du procédé et un peu honteux ?
Parmi les dizaines de situations listées dans son bouquin (Fayoter en entretien d’embauche, fayoter avec un boss vulgaire, incompétent, ou avec un type dont la femme "ressemble à Pierre Richard", demander une augmentation de salaire, écarter un rival aussi fayot que vous…), Benjamin Fabre jure qu’il en a vécu une en vrai : devoir donner un sentiment "sincère" sur un document complètement nul produit par son patron.
Bref, à l’heure où tout (presse féminine, cinéma hollywoodien, télé-réalité…) nous invite à nous montrer "authentique" et "entier", on ne saurait trop conseiller la lecture de cet ouvrage qui vénère la tartufferie.